L'Argentine du début du XXe siècle était marquée par une profonde inégalité sociale. Une oligarchie terrienne contrôlait la majeure partie des ressources, laissant la majorité de la population dans la pauvreté. La crise économique de 1930 exacerba ces tensions, conduisant à une instabilité politique croissante. Des mouvements sociaux, radicaux, socialistes et syndicalistes, réclamaient un changement profond. Le taux de chômage atteignait 15% en 1930, accentuant les tensions sociales.

Dans ce contexte d'incertitude et de mécontentement populaire, Juan Domingo Perón émergea. Officier militaire, il gagna en influence au sein du Ministère du Travail, tissant des liens solides avec les syndicats. Son ascension fut remarquable, alimentée par son charisme et sa capacité à exprimer les aspirations des classes populaires, longtemps marginalisées. Sa stratégie consistait à s'appuyer sur le mouvement ouvrier et le sentiment nationaliste.

L'ascension et la consolidation du pouvoir péroniste

Le "pérónisme" était plus qu'un simple mouvement politique; c'était un phénomène social complexe. Il regroupait des syndicats puissants comme la Confederación General del Trabajo (CGT), des classes populaires aspirant à une amélioration de leurs conditions de vie, des femmes mobilisées par Eva Perón, et des nationalistes souhaitant une indépendance économique. La propagande joua un rôle majeur, amplifiant le charisme de Perón et son message de justice sociale.

Réformes sociales et économiques : le premier gouvernement perón

Le premier gouvernement péroniste (1946-1955) mit en œuvre des réformes sociales et économiques audacieuses. La création d'œuvres sociales, le renforcement des syndicats et une politique salariale favorable aux travailleurs améliorèrent significativement le quotidien de nombreux Argentins. La nationalisation des chemins de fer et de plusieurs banques symbolisait la volonté de contrôler les secteurs clés de l'économie. Une politique de substitution des importations fut mise en place pour stimuler l'industrie nationale. Le PIB argentin connut une croissance importante au début de la présidence de Perón (environ 7% annuel entre 1946 et 1950).

  • Augmentation du salaire minimum de 110% entre 1946 et 1948.
  • Création de 1200 écoles et 200 hôpitaux publics entre 1946 et 1955.
  • Nationalisation des chemins de fer, des banques et d'autres entreprises clés.
  • Création du Ministère du Travail et de la Prévoyance Sociale.

Cependant, ces réformes présentèrent aussi des limites. L'inflation, notamment, augmenta significativement à partir de 1949, créant des difficultés économiques pour une partie de la population. La politique de substitution des importations, bien que stimulante pour l'industrie nationale, entraina une dépendance à l'endettement extérieur et un ralentissement de la croissance économique à partir du début des années 1950.

La constitution de 1949 et la centralisation du pouvoir

La nouvelle Constitution de 1949 renforça considérablement les pouvoirs du président, lui conférant un contrôle accru sur l'État. Ce changement constitutionnel visait à consolider le pouvoir de Perón et à faciliter la mise en œuvre de son programme politique. Le rôle du président fut considérablement élargi, notamment en matière de pouvoir législatif.

Le perónisme en action : ambitions, contradictions et répression

La politique extérieure péroniste : neutralité et nationalisme

En pleine Guerre Froide, l'Argentine sous Perón adopta une politique de neutralité active, cherchant à maintenir des relations avec le bloc occidental et le bloc communiste. Cette position lui permit de diversifier ses partenaires commerciaux et d'obtenir un meilleur positionnement international. Cependant, cette neutralité fut parfois contestée, notamment par les États-Unis, soucieux de contenir l'influence communiste en Amérique Latine. Le poids du secteur agricole dans le PIB était de plus de 20% à l'époque.

La répression et l'opposition : un régime autoritaire

Le régime péroniste était autoritaire et ne tolérait pas l'opposition. La censure, la répression politique et la suppression des libertés fondamentales étaient courantes. Les opposants politiques furent persécutés, emprisonnés ou contraints à l'exil. La liberté de la presse était sévèrement limitée, avec la fermeture de nombreux journaux critiques du régime. La répression était souvent violente.

Le rôle des femmes : L'Ère d'eva perón

Sous le régime péroniste, les femmes accédèrent à un rôle politique et social plus important qu’auparavant. Eva Perón, la seconde épouse de Juan Perón, devint une figure emblématique, mobilisant des millions de femmes de toutes classes sociales. Des politiques sociales spécifiques aux femmes furent mises en œuvre, améliorant leur accès à l'éducation, à la santé et au travail. Le vote féminin fut élargi en 1947. Néanmoins, le rôle des femmes dans le perónisme reste un sujet complexe, faisant l'objet de débats historiques variés sur leur véritable autonomie.

  • Le taux d'alphabétisation féminine augmenta significativement.
  • Création de centres de soins maternels et infantiles.
  • Accroissement du nombre de femmes dans l'emploi salarié.

La crise économique des années 1950

Malgré les premiers succès économiques, l'Argentine connut des difficultés à partir de la fin des années 1940. L'inflation augmenta fortement, et la politique de substitution des importations rencontra ses limites. La baisse des prix internationaux des matières premières agricoles, la principale source de revenus du pays, aggrava la situation. Le déficit budgétaire atteignit 10% du PIB en 1951.

La chute de perón et l'héritage du perónisme

La révolution libératrice de 1955 : la fin d'une ère

La chute de Perón en 1955 résulta de la conjonction de plusieurs facteurs : tensions sociales persistantes, opposition de secteurs de l'armée, instabilité économique croissante, et rôle des États-Unis dans le soutien aux opposants. Un coup d'État militaire mit fin à son régime. Plus de 400 personnes furent tuées lors de cette révolution.

L'exil et le retour : la persistance du perónisme

Après son exil, Perón conserva une influence politique considérable. Son retour en Argentine marqua un moment charnière de l'histoire du pays, témoignant de la force et de la persistance du mouvement péroniste. Son influence a perduré au-delà de sa mort en 1974.

L'héritage durable du perónisme

Le perónisme a transformé profondément la société argentine. Le rôle accru des syndicats, les politiques sociales mises en œuvre, le nationalisme économique et le populisme sont des éléments qui continuent d'influencer la vie politique et sociale du pays. Le perónisme a également inspiré des mouvements politiques similaires dans d'autres pays d'Amérique Latine. L'industrie automobile argentine, par exemple, prit un nouvel essor pendant la période péroniste.

  • Le nombre d'adhérents à la CGT a considérablement augmenté.
  • Création d'un système de sécurité sociale plus étendu.
  • Importance accrue du nationalisme économique dans le discours politique argentin.

Le perónisme reste un sujet d’étude complexe et controversé, révélant la complexité d'une période charnière de l'histoire argentine, marquée à la fois par des avancées sociales remarquables et une répression politique forte.